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Masques chamaniques

Ethic & Tropic a réellement « sauvé » un savoir-faire ancestral et moribond détenu par une poignée de femmes des tribus Wounaan et Embera au cœur de la forêt d’Amérique centrale.
Le tissage de ces pièces traditionnelles uniques est un dérivé des rites chamaniques. Pour communiquer avec les esprits ou pour les tromper, le chaman à recours à des représentations, il utilise alors ces masques ou « nemboro » qui signifie « tête » en langue Embera. Le masque permet de prendre l’apparence, l’âme, l’énergie d’un esprit du monde invisible et d’entrer en communication avec ce monde.

 

Les artistes qui détiennent ce savoir-faire sont toujours des femmes, à très peu d’exceptions près. Elles vivent au sein de la forêt tropicale.
Elles tressent habituellement des paniers très fins de la même matière que les masques, utilisés notamment pour y mettre les bijoux que l’on porte à l’occasion des fêtes, mais jusqu’alors, très peu de masques étaient confectionnés dans ces villages.
Si vous arrivez dans un village, vous ne verrez aucun masques. Les masques sont réalisés uniquement pour les rituels chamaniques et pour le seul usage du chamane. Après utilisation, ils sont brûlés car on considère qu’ils sont « chargés » et personne d’autre que le chamane ne peut les toucher.
Corinne Bally travail avec deux tribus, les Wounaans et les Emberas qui partagent les mêmes traditions et le même savoir-faire.

  

 

Les masques sont tous fabriqués pour Ethic & Tropic – Corinne Bally au cœur de la forêt et les femmes travaillent ensemble dans chaque village, librement et à leur rythme.
En famille ou en conversant avec les voisines, il n’est pas rare de voir les artisanes travailler dans les hamacs, bercées par la brise.
Ces masques sont réalisés entièrement à la main sans l’aide d’aucune machine, le seul ustensile nécessaire, c’est une aiguille.

Le matériel utilisé s’appelle « chunga ». Il s’agit d’un type de palmier du Darién (Astrocaryum standleyanum).

Les palmes sont récoltées, séchées, blanchies au soleil et doivent passer au moins une nuit à la lueur de la lune baignées par la rosée du matin. Après avoir sélectionné la partie à utiliser et éliminé tâches et défauts pigmentaires à l’aide d’une eau bouillie citronnée, on les teint avec des teintures végétales.

On allume alors des feux de bois et les femmes procèdent à ce travail toutes ensemble. La teinture est extraite de la pulpe de fruits ou de racines, mais aussi de copeaux de bois, feuilles, graines.
Les écheveaux sont plongés dans un bain de teinture chaud puis séchés.

Une fois teinte, la chunga est prête pour le tissage.
La structure est réalisée avec une autre plante plus rigide, la « nahuala », qui disparaît totalement une fois la pièce terminée. Avec la nahuala, on crée la forme et la taille définitive de la tête, le squelette en quelque sorte.
Les couleurs de nos masques sont toujours obtenues naturellement, comme aux origines. Pour cette raison, les teintes varient d’une région à l’autre, voire d’une personne à l’autre.

Les teintures les plus courantes sont les suivantes :

  • La racine de curcuma, appelée « azafrán » par les indigènes, donne la merveilleuse couleur jaune ambré ; la feuille de putchama (Arrabidae chica) donne, elle, un rose éclatant.
  • Les tons de bleu sont obtenus avec le jus de la jagua, le même extrait que l’on utilise pour les peintures corporelles.
  • Le cocobolo, bois tropical, permet d’obtenir les tons de brun.
  • L’achiote (Bixaorellana), une graine utilisée aussi en cuisine, donne un rouge éclatant.

Chaque artisane fait ses mélanges et obtient les teintes les plus extraordinaires, souvent très vives et très gaies.
Il n’y a ni livre ni cahier dans la forêt, aucun dessin et aucun plan. La pièce naît dans l’imagination de l’artisane et s’élabore directement.

      

 

Il y a maintenant quelques années, pour aller plus vite et pensant faire mieux, certaines artisanes ont eu recours à des teintures artificielles. Elles ont aussi parfois tenté d’introduire des fils d’acier pour que les masques soient plus rigides, plus « beaux ».
Corinne a dû lutter fermement contre ces pratiques et a même travaillé quelques temps avec un aimant pour détecter la présence de métal.
Elle veille donc à maintenir l’authenticité de la pièce, elle exige des teintures végétales comme aux origines et apprécie, comme nous, les pièces aux becs ou aux museaux parfois tordus, qu’elle considère souvent plus expressifs que les formes parfaites.